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- Saga Matuvu / 02: Elle s'endort -

Dernière mise à jour : 30 avr. 2024

La rumeur du meurtre s’était répandue à travers le camping. L’excitation retombée, la nouvelle fit l’effet d’une vague de froid et la chair de poule gagna les vacanciers. Ils regagnèrent leur bungalow dans l’espoir d’y trouver quelque réconfort. Cependant, les trente degrés à l’ombre et les verres de pastis servis généreusement ne semblaient pouvoir rivaliser en rien avec l’atmosphère lugubre.



Le calme avait suivi la tempête. Les curieux s’étaient volatilisés et les dernières silhouettes qui entouraient la scène de crime étaient toutes habillées. Ce n’était pas pour déplaire à l’inspecteur Matuvu. Ce dernier n’avait jamais réellement compris ce besoin de, comment dirait-il, de dépouillement total ! Il avait toujours été persuadé que chaque Homme possédait un jardin secret et bien qu’il fût pleinement conscient que les Hommes ne le cachaient pas sous leurs vêtements, la rusticité de leur apparat le déroutait.


Le légiste avait effectué les premiers prélèvements. Quel que soit l’odeur ou l’état du corps, le médecin ne bronchait jamais. Son flegme laissait l’inspecteur silencieusement admiratif, lui qui luttait sans relâche contre les réflexes vomitifs. Cela ne surprendra personne, mais la victime quant à elle n’avait pas bougé. Après les dernières formalités, on embarqua le corps.


Matuvu se dirigea dès lors sous l’aubette de l’accueil. Monsieur André, le gérant du camping l’y attendait. Il invita l’inspecteur à s’assoir mais Matuvu, l’esprit troublé par quelques images, préféra rester debout. La victime s’appelait Marlène. Aussi loin qu’on s’en souvienne, elle avait toujours été là pour les vacances. Elle n’avait jamais raté un été, c’était un peu comme si elle faisait partie des meubles du camping. Elle faisait partie de ces habitués sans histoire, qui reviennent chaque année à la même période, et qui plus est, au même endroit.


Sans surprise aucune, Marlène était dépeinte comme une femme admirable, etc., que du positif en somme et l’idée qu’on ait pu vouloir la tuer dépassait l’entendement du concierge:


« Tout le monde l’appréciait au camping ! ».


L’inspecteur connaissait la rengaine, il avait la sensation que toutes les enquêtes commençaient de la même façon. Sans prêter plus attention aux éloges, il continua son interrogatoire. Du moins, il tenta. En effet, dans ce genre d’endroit, il s’avère qu’on connaît l’Homme tout nu mais pas celui de tous les jours. « L’intimité est essentielle » déclarait le gérant, « chacun sa vie ! ». Matuvu sourcilla et sortit, désabusé par tant de paradoxes. La journée avait été longue.


A l’autre bout du camping, Thérèse angoissait. La mort de son amie réveillait en elle bien des craintes et pour ne pas passer la nuit à cogiter, elle ingurgita deux somnifères (il lui fallait au moins ça) et s’endormit.


Héloïse Bertrand

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