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- Equilibre instable -


Charlotte profite encore quelques jours à la maison, mais cette fois c’est avec le petit Simon qui a enfin pointé le bout de son nez. Les matins sont souvent rythmés par les moments d’éveil de Simon, après un lever aux aurores, le petit lutin replonge régulièrement en matinée pour un long moment de sommeil. Pendant ce temps, Charlotte organise sa journée, un peu de ménage, la préparation de son retour au travail et, parfois, elle se laisse séduire par les bras de Morphée. La matinée d’aujourd’hui ne se passera pas comme à l’accoutumée et va être bouleversée par l’arrivée de son amie Isabelle.


Charlotte et Isabelle ont fait pratiquement toutes leurs études ensemble. Leurs chemins se sont croisés en deuxième année primaire, elles ont ensuite fait leurs secondaires dans la même école poursuivant la même option scientifique et ont fréquenté la même université, il leur est même arrivé d’être courtisées par le même garçon mais, fort heureusement, elles s’en sont aperçues assez rapidement. François avait même été un court instant un sujet de discorde car Isabelle était très attirée par son charme également, mais cette fois c’est François qui les a départagées en tombant fou amoureux de Charlotte. Isabelle s’était résolue et, quelque temps après, elle rencontrait Bertrand et se mariait pratiquement un mois plus tard. Charlotte n’avait d’ailleurs jamais vraiment compris l’empressement de son amie à se marier. Mais c’était ainsi et elle avait continué de la soutenir. Ce mariage avait cependant eu un effet distanciateur sur leur relation. La jalousie de Bertrand empêchait de plus en plus souvent Isabelle de sortir de chez elle. Au début, Isabelle s’en accommodait très bien, son mari lui offrait tout ce dont elle avait toujours rêvé. Les voyages, le luxe faisaient briller les yeux d’Isabelle, c’est peut-être un élément qui différenciait ces deux jeunes femmes.


Comme elle l’avait rapidement pressenti, l’arrivée d’Isabelle en pleine journée et les yeux rougis par les larmes n’annonçait pas grand-chose de bon. La confirmation ne mit pas longtemps à arriver, Bertrand et Isabelle étaient au bord de la rupture, la jalousie excessive de Bernard et l’envie d’évasion d’Isabelle n’étaient absolument plus compatibles l’un avec l’autre. Les choses avaient bien changé, certes les voyages et le luxe étaient toujours aussi présents mais les attentions disparaissaient peu à peu.


Bien qu’elles gardaient un contact téléphonique toutes les deux, cela faisait quand même un certain temps que ces deux amies ne s’étaient pas vues et, en regardant Isabelle pendant qu’elle expliquait son histoire, Charlotte se comparait à son amie. Elle qui venait d’accoucher, dans sa tenue de jogging, les cheveux ébouriffés, les yeux tirés par les courtes nuits, le ventre détendu par son accouchement et face à elle, Isabelle maquillée et apprêtée, dans un tailleur de haute couture, jupe courte et hauts talons, chemisier blanc ouvert sur un décolleté généreux. Une foule de questions lui traversaient l’esprit en ce moment même. La réponse à l’une d’elle n’allait pas tarder à se faire entendre.


La serrure de la porte d’entrée résonna dans le couloir et un franc « Chérie, je suis rentré » se fit entendre au même moment. François pénétra dans le salon, embrassa sa femme et s’arrêta béat en regardant Isabelle. Au même moment, Simon décida de signaler sa présence. D’habitude, quand il rentrait du travail François se précipitait pour aller chercher son fils mais cette fois, il resta un instant figé. Charlotte, d’abord hésitante, finit par se lever et aller chercher son enfant. A son retour, les retrouvailles semblaient s’être faites et quelques mots s’échangeaient.


François : « Isabelle, quel changement ! » Isabelle : « Merci François, et toi toujours aussi élégant »


Cette rencontre avait changé le regard d’Isabelle, elle rayonnait comme si rien de ce qu’elle avait raconté quelques instants plus tôt ne s’était vraiment produit. A son retour de la chambre, Charlotte croisa le regard de François qui rougit et baissa les yeux, elle lui confia Simon en lui demandant de bien vouloir s’en occuper comme il s’avait si bien le faire.

Isabelle reprit son sac et son manteau et proposa qu’elles puissent se revoir prochainement, car leur complicité lui manquait. Charlotte acquiesça, un sourire en coin.

François revint dans le salon, son fils dans les bras.


- Elle est partie ?

- Oui, tu voulais lui dire quelque chose ?

- Oui, j’ai manqué de présence d’esprit, j’avais envie de lui dire que jamais, au grand jamais, je ne regretterai mon choix de t’avoir choisie, mon amour. La vie présente parfois des épreuves, l’amour, la mort, la naissance sont des moments charnières. Nos choix déterminent le chemin que nous prenons, certaines ornières rendent l’équilibre de nos pas instable, mais à deux, à trois maintenant, on se soutient et nous ferons en sorte que nos choix nous portent là où nous avons décidé d’aller ensemble. 

 

Jean-Jacques Laduron

Yorumlar


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