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- L'heure du thé / 07: Naissance d'un héros

Lorsque l’inspecteur Matuvu et son adjoint rencontrèrent leur équipe, cela leur fit comme l’effet d’une dure soirée la veille. Les deux Lyonnaises débordaient d’enthousiasme et le cancan de leurs explications se changeait en vacarme infernal aux oreilles des deux policiers. De plus, l’odeur de naphtaline qui imprégnait désormais leurs vêtements leur donnait des haut-le-cœur. La migraine ne tarda pas à les atteindre. Lorsqu’ils regagnèrent l’extérieur à l’heure du déjeuner, la lumière du jour leur piqua les yeux. Il fallait avouer que la luminosité extérieure contrastait fortement avec l’ambiance nocturne qui régnait dans les sous-sols des archives. Ils prirent donc deux paracétamols en mangeant pour mieux continuer la longue journée qui les attendait.


Liliane et Catherine avaient déjà rassemblé les dossiers sur lesquels Maître Brismé avait travaillé. Avocate spécialisée en droit pénal les crimes et délits traités étaient d’une grande variété. Les affaires des différents dossiers passaient de simples contentieux entre voisins à des affaires beaucoup plus tragiques et violentes. C’étaient les dossiers préférés du duo féminin. Elles lisaient les rapports du légiste en s’imaginant Philippe Boxho aux manœuvres et elles ne pouvaient s’empêcher de s’arrêter pour regarder deux ou trois de ses interviews… Un dossier – une conférence…Non, ce n’est pas une bonne méthode ou du moins, pas la plus productive. L’inspecteur Matuvu avait abandonné l’idée de les rappeler à l’ordre. Il préférait garder son énergie pour fouiller dans le passé de Marlène. Et puis, cette ambiance atypique plaisait à Bernie. Sans qu’il ne veuille l’avouer, le côté fantasque mais extrêmement motivé de Liliane et Catherine lui remontait quelque peu le moral. Cela lui changeait des atmosphères froides et lugubres qui règnent habituellement autour d’un, comment dire, d’un cadavre.

 

Lucien avait été chargé de passer en revue les dossiers encore en cours et qui se trouvaient rangé dans le bureau de la victime. Le bureau de Marlène Brismé était, pour ainsi dire, tout à fait normal voire particulièrement ordonné. Les dossiers étaient parfaitement triés et rangés, autant dans ses armoires que sur son ordinateur. Lucien fut impressionné. Cependant, quelque chose lui titillait l’esprit. Il mit un moment avant d’identifier l’origine de son doute. Le bureau de Marlène était totalement lisse. Rien de personnel. Pas même une photo. Pas de cadre ou de diplôme encadré. Un bureau témoin. Un lieu sans âme.

Lucien n’avait pas pris beaucoup de temps pour rassembler les dernières affaires en cours pourtant il lui semblait qu’il passait à côté de quelque chose. Il décida alors d’approfondir ses recherches. Il prévint Matuvu et se plongea dans les dossiers informatiques. L’après-midi touchait à sa fin. Lucien n’avait rien trouvé de concluant sur l’ordinateur de Marlène, seulement des dossiers aux allures habituelles et routinières. Après avoir éteint l’ordinateur, Lucien s’avachit dans son siège. Les yeux lui piquaient. Il ne lui restait plus qu’à se pencher sur les dossiers qui se trouvaient dans les armoires, dans ces murs d’armoires qui habillaient la vaste pièce. Sa soirée promettait d’être longue.

 

De leur côté, Matuvu et son duo avaient déjà triés et lus une bonne partie des piles de dossiers. Marlène Brismé y apparaissait comme une avocate brillante et coriace. Elle avait assisté à de grands procès qui avaient fait la une des journaux « bon chic bon genre » comme des journaux à scandales. Elle avait défendu des cas particulièrement délicats, des victimes de meurtre en série ou de meurtres violents. Matuvu se perdait dans ce condensé de violence avec écœurement tandis que Liliane et Catherine découvraient chaque dossier comme un nouvel épisode des « Experts ». L’inspecteur commençait doucement à désespérer pourtant il avait la conviction que la solution n’était pas si loin. Que la vérité était là, tout proche. Que son équipe la frôlait. Liliane et Catherine, aussi improbable que cela pouvait être, étaient d’une aide plutôt efficace. Leurs regards nouveaux sur les dossiers et leurs réflexions spontanées et à haute voix relevaient des détails que Bernie se surprenait à trouver cohérentes et intéressantes. Il fallait croire que leur passion pour les feuilletons policiers avait, d’une manière ou d’une autre, aiguiser leur esprit d’analyse. Les piles de dossiers diminuaient et la nuit naissait.

 



            De son côté, Lucien ressentait la même chose que l’inspecteur. Ils approchaient de la vérité, il en était certain. Quelque chose commençait à apparaitre, à se dessiner sans pour autant que Lucien puisse définir ce que c’était. Mais c’était là, à la fois si proche et à la fois tellement insaisissable. Il posa un dossier terminé et en prit un nouveau. Il l’ouvrit machinalement, tourna quelques pages (comme pour les 80 dossiers précédents, il commençait à avoir la main). Une étincelle brilla dans son regard. C’était là ! Il sentit alors grandir en lui un sentiment d’extrême satisfaction, d’immense fierté. Il avait l’impression qu’un héros naissait en lui.


Héloïse Bertrand

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