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- Le secret d'un été chaud -

  • Photo du rédacteur: Pascale
    Pascale
  • 22 juin 2024
  • 4 min de lecture

Margaux avait hâte que le trajet se termine. La Provence c’est si loin, la route lui semble interminable, coincée entre le chien et la glacière qui ronronne doucement.


Cela faisait 14 ans maintenant qu’ils passaient un mois dans la grande maison de Mémé Ginette, avec toute la famille. Margaux allait retrouver toute la tribu qui arrivera ce soir ou demain, et surtout sa cousine Angélique, d’un an son ainée. Elle habitait en Suisse, Margaux du côté de Lille, elles gardaient le contact tout au long de l’année via les réseaux sociaux, mais quel plaisir de se voir et passer un mois entier toutes les deux !


Depuis leur plus jeune âge, ça avait tout de suite collé entre ces deux-là ! L’une fonceuse et peur de rien, l’autre curieuse comme pas deux, elles étaient toujours partantes pour l’aventure.


Ça avait commencé par l’exploration minutieuse de la cour vers 4-5 ans, ramenant des sauterelles dans la maison, ce qui faisait hurler Maxime, le père d’Angélique, qui a la trouille des insectes, et les amusait tant.


En grandissant, elles avaient poussé plus loin leur exploration, traversant les champs de lavande pour rejoindre l’élevage de taureaux voisin, jouant aux cow-girls en essayent d’attraper au lasso les jeunes de l’année.


L’an dernier, au gré d’un été pluvieux, elles avaient exploré les pièces de la maison, découvrant de vieux jouets, des livres plus tout jeunes qui ont une odeur typique quand on les feuillette et appris quelques recettes en aidant Mémé Ginette à cuisiner.


Cette année, Margaux était pressée d’arriver car elles se sont promis d’explorer le grenier. Elles en avaient poussé la porte la veille du départ l’an dernier. Ça grouillait de vieilles armoires, pleines de trésors, de quoi aiguiser leur curiosité.


19h30, ils sont arrivés, enfin ! Angélique est déjà là. Margaux claque une bise rapide sur la joue de Tonton Maxime et Tatie Géraldine, enlace Mémé Ginette quelques instants, trop heureuse de la retrouver, puis court rejoindre sa cousine qui l’attend devant le grenier.


La première armoire déborde de vieux albums, des photos en noir et blanc, jaunies par le temps, elles ne sauraient pas dire de quand elles datent et n’y reconnaissent personne. Elles en descendent quelques-uns et interrogent Mémé Ginette.


La petite fille avec une robe à volants et des couettes, c’est elle. Elle venait d’apprendre à faire du vélo et posait fièrement. Le monsieur moustachu derrière c’est son papa et la jolie dame avec un bébé dans les bras, c’est sa maman et sa petite sœur.


Dans un autre album, ils trouvent quelques photos du mariage des parents de Mémé Ginette. Elle leur raconte que ses parents se sont rencontré quand ils avaient 22 ans. En juin 1953, après un an de cour, ils se sont fiancés et très vite, Ginette s’est invitée en passager clandestin. A l’époque c’était très mal vu une jeune fille qui tombait enceinte avant le mariage.


Leurs parents ont hâté les préparatifs du mariage qui a eu lieu en petit comité le 3 octobre 1953, sa maman portait un châle qui cachait son ventre qui s’arrondissait doucement. Ils les ont ensuite envoyés à l’étranger quelques mois, prétextant prolonger le voyage de noce par une cure thermale pour un mal quelconque et de la visite à une lointaine famille n’ayant pu venir au mariage.


Mémé Ginette est née le 28 mars 1954, ils sont rentrés en France en août. Ginette n’était pas un gros bébé, sans doute avait-elle senti qu’elle était le fruit d’une secrète nuit d’amour un soir d’été, toute menue elle passait facilement pour un bébé 2 mois et demi plus jeune. Personne dans le voisinage ne s’est jamais douté de quelque chose. Sa maman a confié le secret de sa naissance à Mémé Ginette lorsqu’elle-même a commencé à fréquenter un garçon, pour éviter que l’histoire ne se reproduise. Être éloigné des siens et accoucher seule avait été une épreuve terrible pour elle.


Mémé Ginette s’était mariée, eut cinq enfants, la vie a continué et elle n’y avait plus jamais pensé.



La soirée continue sur une discussion animée, les plus jeunes s’offusquent qu’un tel traitement ait été infligé à un couple d’amoureux. Mémé Ginette replace le cadre d’une vie différente à l’époque. Si ses parents ne s’étaient finalement pas mariés, que sa maman s’était retrouvée seule à l’élever, ça aurait été un compliqué. Il n’existait pas d’aide pour les femmes sans travail, elle et sa maman auraient été à charge de ses grands-parents. Et puis, qu’en auraient dit les voisins ? En agissant ainsi, leur réputation est intacte et Mémé Ginette n’a jamais été ennuyée avec cette histoire. Les mœurs ont évolué, il n’est pas rare qu’un enfant naisse hors mariage, voire que ses parents ne se marient jamais. Mémé Ginette trouve ça bizarre, mais ne juge pas. Elle vit et évolue avec son temps !


Margaux et Angélique montent finalement se coucher, un peu groggys. Elles n’avaient jamais imaginé que feuilleter de vieux albums photos ferait resurgir une telle histoire. Elles dormiront bien cette nuit !

 

Pascale Danze

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