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- Déluge -

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Il y a dans ma tête un petit village peuplé d’une multitude de personnages en tous genre, tous indissociables de l’entité complète qu’ils forment : moi. Seuls, ils ne sont pas moi mais moi je suis chacun d’eux. Ils forment moi comme un ensemble mais dans ma tête, ils sont chacun un, voyez-vous. Des uns indépendants dans ma tête qui forment un tout (dépendant d’eux) dans la vôtre. Sans peupler votre monde, peuplé de vous et moi, ils surpeuplent largement le mien, ce qui est bien suffisant…


  • C’est bon ? Il a fini Devos ? On peut passer à la suite ?


Tenez, là par exemple, c’était la numéro 2, un doux mélange de critique et de sarcasme plongés dans un bain chaud d’humour. Elle est la base de mon autodérision et ne se ménage jamais. Oui, ça me fait mal de le reconnaitre, mais elle est indispensable à ma vie.


Ils sont numérotés pour plus de facilité, mais ils portent chacun et chacune un nom hein, on n’est pas des bêtes. Je ne vais pas vous faire la liste complète de tout le monde, ce serait trop long. D’abord parce je ne sais simplement pas combien on est (143 au dernier recensement, mais c’était il y a déjà longtemps…) et ensuite parce je ne voudrais pas tous les réveiller en même temps, ce serait pas gérable.


Nous sommes là pour que je vous parle de trois d’entre eux en particulier. Ils sont habituellement cachés profondément en moi mais aujourd’hui, thème oblige, thème excuse, thème permet, je balance.


Je les surnomme tendrement mes Volturi, pour leur évidente bienveillance et leur chaleur humaine… Physiquement, ce sont quasi des triplés, trois grandes silhouettes vêtues de noir. Un noir bien précis, un noir reluisant et visqueux… Je vois pas bien comment vous le décrire. Voyons… Ah ! Vous voyez Rogue ? Hé bien prenez ses cheveux – la couleur hein, pas la matière en elle-même – et faites-en trois longues toges drapées et fluides. Voilà, vous les tenez. Ils portent des capuches qui cachent leurs visages façon Nasgul mais l’on distingue pourtant leur bouche dans l’obscurité. A première vue, des chics type, vraiment.


Le premier se prénomme joliment Oppression. Quand il ne hurle pas, ses lèvres restent tout de même tordues par la souffrance. Ses mains d’une peau brulée et suintante de sang sont toujours crispées à en faire ressortir les os. En règle générale, toutes mes personnalités sont douées d’une grande imagination mais celui-ci a carrément un abonnement illimité qui lui offre une inventivité sans pareille. D’après ma psy, il s’agirait de mon trouble anxieux… Je trouve ces mots faibles.


Si vous avez vu ‘’Vice Versa 2’’, ce serait Angoisse mais version possédée par Venom qui aurait bouffé trois Gremlins à midi, le tout peint par Munch évidemment. Son ‘’boulot’’ c’est de lister, enregistrer et m’envoyer à la gueule toutes les horreurs de ce monde (qui me concernent ou pas d’ailleurs). Celles qui sont arrivées, celles qui arrivent, celles qui vont arriver, celles qui pourraient arriver, celles qui n’arriveront jamais-mais-tant-que-t’es-là-prenons-la-peine-de-nous-pencher-ensemble-sur-le-potentiel-désolation-que-cela-pourrait-engendrer-quand-même… Charmant.


Le second s’appelle Dépression. Ses mains sont froides, blanches et translucides. Sa bouche est fermée et définitivement morte, il n’en a plus besoin de toute façon : il communique par ondes, c’est une technique révolutionnaire et particulièrement efficace. Avoir ce type à ses côtés, c’est comme rouler une pelle à un Détraqueur, en boucle. Avec lui pas de doute, la lumière, quelle qu’elle soit, s’éteindra. Bureau du Désespoir, bonjour !


Le troisième, c’est Destruction. Et si ses deux collègues vous ont déjà fait belle impression, celui-ci risque de vous plaire. Contrairement aux deux premiers, il a l’avantage de prendre du plaisir dans son travail, beaucoup de plaisir même. Quand il entre en jeu, il arbore toujours un sourire fin, arrogant et sadique. Ses mains sont faites d’un métal sombre et dur et ses doigts sont dotés de petits ongles aiguisés en pointe, dont il n’hésite pas à se servir les rares moments où la colère lui monte.


Il a dans la voix quelque chose de dégueulassement calme, un truc vicieux et pervers. Lui, il est responsable de l’inconfiance en moi. Et croyez-moi, il est doué. Il se voue entièrement à son métier : répertorier méticuleusement mes faiblesses et surtout, surtout mes hontes, il adore ça. Il s’emploie également à tuer dans l’œuf la moindre initiative, d’où qu’elle vienne. Et si je suis dans un bon jour et qu’il a tout le monopole de sa puissance, alors ses yeux percent carrément l’obscurité de sa capuche et il me regarde comme le clown de Ça. Voldi à côté c’est Candy chez les Bisounours.


En tout cas, il faut leur reconnaitre qu’ils savent mettre l’ambiance les gais lurons. Mais franchement, avec l’expérience, pris individuellement au quotidien, ils sont relativement gérables. Il y a assez de soleil dans tous les autres pour absorber l’une ou l’autre remarque de ces serpents. Et puis avec le temps, je commence à les connaître mes apôtres, je sais plus ou moins slalomer.


J’ai déjà confisqué à Oppression ses infos radio et son journal télévisé du soir, ce qui lui retire une bonne partie de son capital-horreurs. Merveilleuse idée de ma psy ça d’ailleurs : la politique de l’autruche. Vous devriez essayer, c’est fabuleux. Ça sauve peut-être pas des vies mais ça sauve mes journées. J’en ai honte mais hé, il faut bien qu’je marche, hein.


Pour Dépression, on y travaille aussi. Il y aurait visiblement pas mal à creuser et j’ai déjà mis quelques coups de pelle par-ci par-là. Je suis pas prête de voir le bout du tunnel mais on avance bien, je suis confiante.


Destruction, c’est une autre paire de manche mais je vais bien finir par trouver aussi. Les amis, ça aide pas mal.


Le vrai problème survient plutôt lors de moments de faiblesse. Un évènement particulier, une fatigue plus soutenue, un déséquilibre quelconque ou même un simple changement hormonal et paf, ça ne rate pas : ils débarquent en même temps. Et quand ils attaquent à trois, en formation mur blindé, alors ils forment ce que l’on pourrait appeler le Déluge.

Et on peut facilement deviner les dégâts qu’engendre une telle catastrophe sur un petit village, aussi heureux soit-il.


Coco

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